Plus j'y repense et moins je dors la nuit. Ca me reprend. Chaque trait, chaque contour, chaque pli de son visage m'échappent. Chaque sonorité de sa voix, chaque noirceur de ses regards et chaque courbe de ses sourires, tout est flou. Je ne me souviens plus de rien, mais je suis incapable de l'oublier. Et j'ai la gorge sèche quand j'y pense trop, les cordes vocales nouées et les yeux rouges. J'aimerais crier, et puis pleurer. Pourtant, je crois qu'inconsciemment je sais que ça ne servirait à rien, parce que je n'y arrive pas. C'est peut-être d'avoir trop pleurer, ou d'être trop cruel envers moi-même qui me tétanise les sens. Parce que je ne m'autorise rien quant à lui, je ne veux ennuyer personne avec lui. Je déteste les pierres tombales, les chrysanthèmes et les plaques d'adieu en marbre noirci. Je déteste les formalités funèbres ou croire qu'il y a un ailleurs, mais je ne peux pas m'empêcher d'espérer, de lui chuchoter des banalités au creux de rien du tout, et de fermer les paupières pour mieux l'accompagner nulle part.